Et si l'on reparlait des 35 heures

La CFDT a revendiqué depuis longtemps les 35 heures. C’était même en interne un thème fédérateur (en clair, nous n’étions pas d’accord sur tout, mais nous étions tous d’accord sur la réduction du temps de travail, peut-être un peu moins sur l’aménagement du temps de travail qui va avec). Certains revendiquaient même les 32 heures.

La justification de la réduction du temps de travail était alors inspirée de la logique du partage du travail pour réduire le chômage. Le slogan était « Travaillons moins, travaillons mieux, travaillons tous ! ». Presqu’un petit air de mai 68.

La réforme des 35 heures fut mise en place par le gouvernement Jospin par les deux lois AUBRY du 13 juin 1998 et 19 janvier 2000 fixant la durée légale du temps de travail salarié à temps plein à 35 heures par semaine, en moyenne annuelle, au lieu de 39 heures précédemment. Cette mesure s'inscrit dans la continuité des Accords Matignon en juin 1936 (40 heures par semaine et deux semaines de congés payés).

La 1ère loi AUBRY incitait à la négociation d’entreprises et de branche afin de déterminer les modalités concrètes de réduction du temps de travail (réduction de 10% du temps travaillé, embauche de 6%, baisse de charge ciblée si anticipation). Elle a impulsé, et c’est vrai, une dynamique sans précédent de dialogue social et de négociation. La seconde loi AUBRY a intégré les acquis de la 1ère loi en introduisant un pacte social qui se voulait équilibrer (modulation annuelle, compte épargne temps, forfait en jour, allégements de charges sans contrepartie d’embauche).

Entre 1998 et 2001, la durée effective de travail a été réduite d’environ 2,6 heures et plus de 350 000 emplois auraient été créés de 1998 à 2002 selon la référence 1. Seul Christian Gianella en référence 2, économiste de l'OCDE, conclut que les lois Aubry ont détruit des emplois. Mais on connaît les conclusions de l’OCDE. Pour être tout à fait honnête, rappelons que la croissance du PIB était de 3,2% en 1999 et de 4,5% en 2000.

Dans la pratique, on travaille effectivement moins et mais l’on fait la même chose qu’auparavant plus vite et pas forcément mieux. Tout cela peut augmenter le stress et la pénibilité de travail (sans parler du harcèlement). Avons-nous, en fin de compte, vraiment gagné quelque chose ??
Rappelons que la loi Fillon d’octobre 2002 a relevé le contingent annuel d’heures supplémentaires à 180 heures (230 en 2003 dans le cadre du temps choisi) ce qui permet de travailler 39 heures par semaine ou plus (comme avant !!) et que le principe du paiement prévaut sur la prise du repos compensateur.
Après 2003, le temps de travail annuel augmente très légèrement avec la suppression du lundi de Pentecôte pour une journée dite de « solidarité ».
En juillet 2004, les salariés de Bosch à Vénissieux ont accepté de passer de 35 à 36 heures sans compensation de salaire. La société prévoyait une suppression de 300 emplois sur les années suivantes et refusait d’opérer de nouveaux investissements, notant que les coûts sociaux en France étaient supérieurs de 20 % par rapport à l’Italie ou à la République tchèque. Mais c’est là, la version officielle car la CFDT a bien signé cet accord mais seulement après avoir obtenu, par écrit, l’engagement de la direction de Bosch sur le montant des investissements devant être réalisés à Vénissieux.
Au 1er juillet 2005, toutes les entreprises bénéficient de réduction de charges dépressives de 26% au niveau du smic et qui s’annule à 1,7 fois le Smic.
En 2007, le gouvernement François Fillon fait voter la loi TEPA qui instaure la défiscalisation des heures supplémentaires dont l'objectif est de permettre de « travailler plus » (en transformant par exemple le compte épargne temps en compte bancaire). On voit maintenant où l’on en est !!!.

En conclusion, les lois AUBRY et malgré leur caractère réglementaire encadrant les négociations, ont permis de relancer le dialogue social, de réduire le temps de travail et par conséquent de donner du travail à ceux qui n’en avaient pas. Cependant depuis 2002, les 35 heures ont été détricotées. On a enlevé le meilleur et pour garder le pire. Et ce sans parler de la crise ….

PS : dans la métallurgie, le temps de travail avait été réduit à 38 heures 30 dès 1982, par la seule négociation dans la foulée du rapport Moreau qui préconisait de négocier des compromis acceptables dans l’intérêt des salariés. Pour être honnête, l’UIMM de l’époque préférait alors négocier avec les organisations syndicales que de se voir imposer des lois d’un gouvernement qui était alors encore de gauche.

1 « Les effets de la RTT sur l’emploi : des simulations ex ante aux évaluations ex post », INSEE, 2004
2 Les trente-cinq heures : un réexamen des effets sur l’emploi », Christian Gianella, Économie et Prévision n°175-176

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